Ce n'est pas nouveau que la France soit un peu juste en teneur en protéines, mais cette année, on a crevé le plancher : 11,2 % en blé tendre. Trop peu pour les meuniers, les amidonniers ou encore les exportateurs. Jean Charzat, chez Bunge, confirme : « La qualité française correspond aux besoins de l'Afrique du Nord et de l'Ouest, moyennant quelquefois des réfactions voire des déclassements. Mais elle a du mal à accéder à d'autres marchés. »
Vers un itinéraire technique spécifique
En dehors de l'effet du climat, propre à cette année, qui a engendré un déficit d'absorption responsable d'un « manque à gagner » d'1/2 à 1 point de protéines, les professionnels ne savent pas vraiment expliquer cette tendance. Toujours est-il qu'il faut remobiliser techniciens et agriculteurs. En vue de revenir à un niveau d'au moins 11,5 % en moyenne, Arvalis compte communiquer dès cet automne sur le concept d'« itinéraires techniques protéines » en blé tendre (même si ce n'est pas glorieux non plus en blé dur), par la publication de supports d'accompagnement ou lors des réunions techniciens et agriculteurs, « pour porter tout ce que l'on sait sur le lien entre pratiques culturales et teneur en protéines », affirme Jean-Paul Bordes, chef du département R & D, chez Arvalis. L'enjeu est de 1 à 2 points au niveau de la variété (Arvalis vient de publier un classement des variétés les plus adaptées à un enrichissement en protéines), de 0,5 à 1 point pour la dose totale (en réinsistant sur la dose d'azote optimum, même en zones vulnérables et bassins d'alimentation de captage), de 0,2 à 1 point concernant la forme d'azote (« l'ammonitrate donnant les meilleurs résultats ») et 0,2 à 0,5 point pour le fractionnement. L'institut craint d'ailleurs que certains agriculteurs abandonnent un troisième apport qui s'est révélé peu fructueux cette année.
Un système de rémunération à inventer
Arvalis s'apprête aussi à lancer un outil multiculture sur le web pour déployer le conseil en fertilisation azotée. Il veut renforcer la diffusion des OAD en démontrant l'intérêt du pilotage, et en proposant aux OS impliqués dans Farmstar de mettre en place un réseau de comparaison entre les parcelles pilotées et les autres. Dans une optique à plus long terme, l'institut propose de renforcer au niveau du CTPS l'inscription de variétés plus efficientes vis-à-vis de l'azote, pour le rendement et la protéine. Arvalis compte bien que le plan initié soit porté par l'ensemble de la filière et relayé par les OS. Et qu'au-delà de la facette technique, ces derniers réfléchissent collectivement à la mise en place d'un système de rémunération de la protéine. « C'est vrai que tous les collecteurs n'incitent pas à en produire », confiait récemment Christian Cordonnier, DG de Terre Atlantique. A bon entendeur...
Renaud Fourreaux