Après avoir organisé une matinale autour de l’enjeu carbone l’an dernier, La Coopération agricole s’est attelée, cette année, à l’agriculture régénératrice et aux initiatives des coopératives en la matière (1). Le 3 juillet dernier, ils étaient près d’une centaine de participants à pouvoir bénéficier d’interventions fort intéressantes de la part des treize intervenants conviés à partager leur savoir et leur expérience.
Pas trop de dogmatisme
Parmi eux, des représentants de coopératives, mais pas que. En effet, après une introduction de cette matinée par Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, les échanges ont été ouverts par Marc-André Selosse, microbiologiste, écologue et professeur notamment au Muséum d’histoire naturelle, qui a rappelé le rôle essentiel du sol.
Et ce, sans trop de dogmatisme, mais en reconnaissant que tous les sols ne supportent pas le non-labour, qu’il encourage à adopter. Et sans condamner non plus systématiquement les engrais minéraux, « si on utilise déjà la matière organique existante ». Ni tous les pesticides puisqu’il est pour le glyphosate dans le cadre de l’agriculture de conservation des sols, dans la mesure où « il n’y a pas d’autre solution pour désherber. Cet herbicide est de toute façon appelé à disparaître d’ici cinq à six ans. Il est toxique pour les vers de terre, mais moins toxique quand même que le labour. Cependant, si on pouvait s’en passer dans le cas du non-labour, la biomasse microbienne pourrait être encore plus importante ». Et de souligner la capacité de l’agriculture française « à s’adapter et à progresser » et la nécessité de faire valoir « le label français en incitant à acheter français, car c’est mieux pour la santé ».
Dépasser les 10 % de la collecte
Les témoignages qui ont suivi ont démontré cette adaptation et cette progression. Ainsi, Pierre Toussaint, directeur agronomie, transitions et innovation chez Axéréal, a évoqué les deux offres proposées à leurs agriculteurs adhérents en agriculture régénératrice dont une avec une garantie bas carbone. Maïsadour déploie un contrat agriculture régénératrice concernant à ce jour une quarantaine d’agriculteurs et 1 000 hectares avec une prime de 100 €/ha. À terme, 300 agriculteurs et 3 000 ha sont visés.
Pour sa part, Noriap conduit deux projets, l’un avec le programme Sols vivants et l’autre avec le modèle Transitions développé par le groupe Vivescia, et compte dépasser en 2028 le cap des 10 % de sa collecte engagés dans ces démarches. Vivescia était aussi présent pour présenter son initiative lancée autour du diagnostic de biodiversité AgriBest.
Terrena a nommé un chargé d’agriculture régénératrice depuis septembre dernier et projette de réaliser 1 000 diagnostics indice de régénération (l’IR de Pour une agriculture du vivant [PADV]) d’ici à 2028 également. Quant à la coopérative Limagrain, elle a mis en place le projet Matrice, une grande ferme d’expérimentation systémique pour explorer en plein champ diverses stratégies répondant aux défis climatiques, économiques et environnementaux.
Des offres bancaires pour la transition
Ces témoignages ont été complétés par deux tables rondes faisant participer Earthworm, Nestlé, PADV, qui accompagnent ou mènent des initiatives notamment avec les coopératives agricoles. Ainsi que le Crédit Agricole Nord de France, qui a lancé deux offres, l’une fondée sur l’IR de PADV avec un crédit plus ou moins bonifié selon le niveau de cet indicateur, l’autre pour tous les agriculteurs s’engageant dans la transition. Francis Bucaille, agriculteur et cofondateur de Gaïago, et Michel Duru, de l’Inrae, ont également apporté leur contribution aux discussions. Le chercheur a notamment invité par ses propos à prendre de la hauteur tout en pointant ce qui est à faire bouger et en appelant à des écologies créatives de valeur et non à des politiques punitives.
Ces tables rondes ont permis de mettre à nouveau en avant que la transition concerne tous les acteurs. En fait, nous tous, comme l’a souligné Marc-André Selosse, qui va à la rencontre de lycéens de la région parisienne, « car il faut penser le sujet collectivement. Nous devons léguer à nos enfants tout ce qu'il faut pour manger, c'est-à-dire des sols intacts ».
(1) Les prochaines matinales aborderont les relations commerciales, le 30 septembre, et l’agrivoltaïsme, le 5 novembre 2025.