Tout avait pourtant bien démarré avec des récoltes d'orges et de colza tout à fait satisfaisantes. Puis, lorsque ce fut au tour des blés, un cocktail climatique détonnant a fortement dégradé la qualité dans une zone qui s'étend de la Normandie à Rhône-Alpes. Alors que tout le monde s'apprêtait à scruter les taux de protéines (qui ne sont malgré tout pas mirobolants), c'est surtout - chose inédite - des indices de chute de Hagberg extrêmement bas qui font l'objet de toutes les attentions. Dijon céréales a été la première à s'en émouvoir mi-juillet, en annonçant « un très gros travail d'analyse des grains et de classement pour isoler les différentes qualités ».
Un tiers de blés fourragers
Depuis, les opérateurs, dépités, jouent la transparence. A l'image de Valfrance, où 50 % des blés ont un temps de chute inférieur à 130 s, et ne sont tout simplement pas panifiables. « On a équipé deux de nos silos de table densimétrique pour essayer de sortir des lots supérieurs à 150 s, espère au moins Christian Renard, DG de la coop, car aujourd'hui, seuls 25 % de nos blés peuvent aller sur les marchés meuniers et amidonniers. » Elle est loin l'année 2013, quand 99 % des blés français collectés disposaient d'un temps de chute supérieur à 220 s, le minimum exigé habituellement par la meunerie. Aujourd'hui, sur certains secteurs, on n'est pas loin du contraire ! Au niveau national, les blés fourragers (moins de 150 s) pourraient ainsi représenter autour du tiers de la collecte française, mais « outre les blés dits meuniers et les blés fourragers, nous aurons cette année une proportion non négligeable de blés dits de qualité intermédiaire », décrypte Michel Portier, DG d'Agritel.
Très grande segmentation qualitative
Les opérateurs exhortent les meuniers français à adapter leur process et à définir un niveau de Hagberg acceptable (une limite à 140 s est évoquée), quitte à intégrer du blé améliorant ou des additifs. « Les premiers résultats des tests sont encourageants », indique-t-on chez Acolyance, sachant que « le temps de chute de Hagberg ne fait pas tout ». Reste qu'il sera difficile de se positionner à l'export, car les meuniers étrangers, eux, ne vont pas tergiverser pour se tourner vers la mer Noire. Sénalia et Socomac, silos de livraison d'Euronext, ont réaffirmé n'accepter que des lots supérieurs à 220 s (ou moyennant réfaction jusqu'à 170 s), sauf si des contrats de blés fourragers entre OS et exportateurs, ce qui est peu commun, étaient expressément signés. Ainsi, les traders sont sur les dents pour trouver des clients dans un marché qu'ils connaissent peu. Il faudra en tout cas laisser vite de la place pour un maïs qui s'annonce abondant.
Renaud Fourreaux