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Le palmarès des coops et des négoces 2024

2024 fut encore une année très particulière. Non seulement pour le secteur agricole avec tous les aléas rencontrés, mais aussi pour notre pays avec des bouleversements politiques qui affectent l’avancement des dossiers en cours.

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« Nous sommes très préoccupés par la campagne en cours qui s’avère très difficile pour les filières au-delà de la mauvaise récolte, avec un coût de l’énergie qui a augmenté et une diversification des cultures se heurtant à des installations de silo pas forcément adaptées », avance Antoine Pissier, président de la Fédération du négoce agricole. En effet, nombre de coopératives ou négoces s’attendent à une campagne 2024-2025 compliquée, notamment sur un plan financier, et plus particulièrement en céréales, l’élevage tirant globalement mieux son épingle du jeu. La Coopération agricole Métiers du grain a estimé à 300 M€ la perte de marge pour ses entreprises en raison de la mauvaise récolte 2024 qui, de surcroît, a été harassante avec une longue collecte d’automne.

Les BFR augmentent

« Les besoins en fonds de roulement sont plus importants avec des délais de paiement qui s’allongent. Et les collectes, outre d’être plus faibles, se retrouvent avec des marchés qui n’ont pas pris le rythme de croisière en raison de difficultés de vente, notamment à l’export », détaille de son côté Simon Aimar, directeur du groupement régional Négoce agricole Centre-Atlantique (Naca). « Cette situation nécessite des lignes de crédit supplémentaires à négocier avec les banques. Aussi, on espère tous que le marché puisse repartir en janvier avec la baisse de l’euro. » D’autre part, le retour à la normalité des relations entre la France et le Maroc est salué par Antoine Hacard, président de LCA Métiers du grain, et lui fait espérer « que ce réchauffement des relations diplomatiques puisse jouer sur notre capacité à commercer alors que nous avions des liens historiques avec ce pays ».

Pour Damien Racle, dirigeant du négoce Bresson, en Côte-d’Or, « c’est un peu le coup de massue pour notre entreprise qui progressait régulièrement grâce à la qualité de ses produits. En effet, il faut trouver d’autres débouchés auprès des fabricants d’aliments pour des blés cette année de moindre qualité. » Et la situation du marché devrait amener le négoce bourguignon à être « concurrencé sur les meuniers locaux, nos principaux débouchés ».

Des trésoreries en souffrance

« La première partie de la campagne a fait souffrir les trésoreries des négoces », poursuit Simon Aimar. Tout comme celle des agriculteurs. Selon notre sondage Agrodistribution-ADquation, les trois quarts des exploitants sondés estiment avoir une trésorerie dégradée en regard de l’année précédente. La gestion d’une telle situation par les coopératives et négoces diffère, comme l’explique Antoine Pissier : « Nous n’avons pas les mêmes marges de manœuvre que les coopératives. Nous ne pouvons pas reporter les échéances comme bon nous semble, sinon nous allons nous faire rattraper par la LME (loi de modernisation de l’économie, ndlr). Alors qu’une coopérative peut transformer une facture en compte courant. Aussi, chaque négoce gère la situation comme il peut (warrants, cessions de créance, convention tripartite…). » La FNA a organisé à l’automne une tournée régionale d’information « risque client » qui était en préparation depuis plus d’un an et qui est arrivée à un moment adéquat. « Nos juristes abordent la prévention des risques de défaut de paiement. Nous faisons carton plein et nous devons rajouter des dates, explique Antoine Pissier. C’est sur ce type d’action que nous sommes attendus par nos entreprises en tant que fédération professionnelle. »

37 M€ mis sur la table

Quant aux coopératives, certaines ont annoncé, lors de leur AG, des coups de pouce conséquents à leurs adhérents pour aider notamment à mettre en terre la récolte 2025, quand d’autres n’ont pas pu distribuer les ristournes qui avaient été provisionnées. L’exercice 2023-2024 s’est déroulé en effet de façon différente selon les structures et est marqué par un recul du chiffre d’affaires pour une bonne partie des coops et négoces ayant une activité appro-collecte, conséquence de la déflation en céréales et en engrais, voire de problèmes de qualité des grains, comme en orge de printemps (lire nos tops 40).

La chasse aux coûts

Chez Océalia, 37 M€ ont été mis sur la table pour aider ses céréaliers et viticulteurs en huit mesures, dont des avances de trésorerie ou encore l’adaptation des barèmes de séchage. Chez COC, l’assemblée générale a voté la redistribution de 100 % du résultat net de la coopérative et de 40 % du résultat net du groupe. Soit 7,6 M€. « Notre groupe coopératif joue ainsi pleinement son rôle de rempart auprès de ses adhérents », commente le président, Emmanuel Massicot. De même, Cavac et Terrena ont respectivement mobilisé 4 et 11 M€ (lire la dernière partie de notre baromètre).

Et cela dans un contexte où la pression inflationniste existante depuis trois ans pèse sur les comptes, comme a tenu à le rappeler Sébastien Ciezki, le DG d’Île de France Sud, durant leur AG : « Aujourd’hui, par rapport à l’exercice 2020-2021, le coût du gaz a été multiplié par deux, le carburant a connu une hausse de 40 %, l’électricité de plus de + 70 %, les assurances de + 30 % et les salaires de + 10 %. » L’heure est alors à la chasse aux coûts. NatUp, dès les premiers signaux avant la récolte, a lancé un plan d’économies de 10 M€ qui a été atteint. « Nous sommes un groupe de taille importante, mais nous savons être agiles pour réagir assez rapidement lorsque c’est nécessaire », a fait remarquer, au point presse de fin d’année, Patrick Aps, remplacé dans sa fonction de DG depuis ce 1er janvier par Laurent Lemarchand. Pour sa part, Advitam renforce ses bases en rationalisant les activités déficitaires et en optimisant l’existant, notamment par la création de synergies avec sa filiale négoce.

L’heure est aussi à la consolidation des liens. La Tricherie étoffe son équipe de TC et crée un poste de directeur amont, pour encore plus de proximité avec ses adhérents. Le groupe Euralis s’est réorganisé en trois business unit, productions végétales, productions animales et agrofournitures, pour renforcer ses relations avec l’amont et l’aval. Et de nouvelles unions se font jour à l’image de Sitera créée par les coopératives Sevépi, Garun-Paysanne et Creully pour la commercialisation d’1 Mt de grains à partir du 1er juillet 2025.

Diversification et nouvelles filières

La diversification est aussi à l’ordre du jour, comme le démontre le tour des régions publié dans ce dossier, afin de sécuriser l’activité et apporter de nouvelles sources de revenu aux agriculteurs, tout en répondant aux tendances de la consommation alimentaire et aux enjeux énergétiques et climatiques, avec les nouveaux plans qui ont fait l’objet d’une consultation publique : la troisième édition du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), avec son objectif de réduction de 50 % des émissions brutes d’ici 2030 par rapport à 1990, et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Mais cela ne se fait pas d’un claquement de doigts et les essais ne sont pas toujours concluants, ni les infrastructures toujours adaptées. Des filières continuent d’émerger également autour de l’agriculture régénérative ou encore du carbone. Et si le secteur agricole est prêt à relever le défi de la souveraineté alimentaire par n’importe quelle météo, Antoine Hacard regrette que « les pouvoirs publics n’assument pas leurs annonces ». Alors que, comme il le rappelle, « nous avons eu deux électrochocs avec le Covid et le début de la guerre en Ukraine qui ont fait frôler la rupture de la chaîne alimentaire, voire nous l’ont fait vivre dans certains secteurs. Mais les politiques semblent l’avoir oublié, alors que de nombreux pays ont compris que le sujet de l’alimentation est trop important pour l’externaliser. »

Aussi, LCA Métiers du grain espère bien être entendue sur le projet Infrastructures 2030 de modernisation des installations de stockage des grains qu’elle mène avec plusieurs acteurs dont la FNA (lire l’encadré p. 20). Un plan important pour pouvoir absorber la dynamique de diversification, qui a des conséquences non négligeables sur les métiers du grain, et faire face aux variations d’assolements, de rendements et de qualité, qui semblent s’intensifier. Sans omettre la sécurité dont le Naca veut faire, avec la RSE, son fil rouge pour 2025, « avec une sinistralité qui augmente et des assureurs qui se désengagent ». Et le focus sera mis sur la résilience lors de son prochain congrès.

Sensibiliser les négoces à la RSE

Le mot résilience n’a d’ailleurs jamais été autant prononcé et guide les caps stratégiques redessinés à l’horizon 2030, voire 2050 pour Dijon céréales, en plein déploiement de la production d’énergie renouvelable avec la méthanisation et l’agriphotovoltaïsme et un nouveau plan de développement autour de l’IA. « Et les entreprises qui s’engagent dans la RSE seraient plus résilientes », avance Simon Aimar (Naca), qui travaille le sujet avec la FNA, laquelle vient de publier son guide RSE pour ses négoces adhérents. Dans sa nouvelle feuille de route, cette fédération a mis pour objectif l’intégration de la RSE par 80 % de ses entreprises membres (lire ci-contre). Cette démarche est en fait un prérequis de la directive européenne CSRD imposant un rapport de durabilité. La quarantaine de négoces et les 150 coopératives concernés devront, dès l’exercice démarrant en 2025, relever des indicateurs pour un premier rapport en 2026. Pour sa part, Antoine Hacard estime que « a minima, les coopératives de moins de 250 ETP, pour lesquelles la mise en œuvre de la CSRD est plus difficile, devraient pouvoir bénéficier de dispositions transitoires complémentaires ».

L’année 2025 s’annonce également pleine de défis et d’enjeux avec, notamment, des projets de loi attendus par la profession agricole et qui ont été mis au point mort avec la motion de censure. À l’image de la LOA ou de la PPL Duplomb, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur et qui porte des mesures comme l’abrogation de la séparation du conseil et de la vente en phytos. Dans le contexte actuel, il s’agit de garder le moral du mieux possible et de saluer et encourager tous ces projets qui émergent ou continuent malgré tout.

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