Démystifier les paiements pour services environnementaux

La biodiversité peut faire partie de l’offre d’un PSE.
La biodiversité peut faire partie de l’offre d’un PSE. ©WATIER VISUEL

Avec Pierre Dupraz, de l’Inrae, voici un point d’étape sur les PSE dont les réalisations concrètes avancent doucement, mais que la future Pac n’appuiera sans doute pas assez.

L’histoire de la notion de paiements pour services environnementaux remonte à « l’observation d’économistes sur des programmes de maintien de populations aborigènes dans leur forêt, rappelle Pierre Dupraz, économiste à l’Inrae. En effet, les gens qui souhaitent préserver une forêt tropicale payent les habitants de cette forêt pour qu’ils puissent continuer à vivre en harmonie avec elle. Les chercheurs ont ensuite théorisé ces observations en inventant la notion de PSE. »

S’intéressant depuis les années quatre-vingt-dix aux mesures agroenvironnementales (MAEC aujourd’hui), Pierre Dupraz a une expertise intéressante, ayant d’ailleurs participé au rapport MAE et PSE en 2016. Une expertise partagée en janvier lors d’un webinaire de la chaire « mutations agricoles » de l’Esa d’Angers portant sur la construction de nouveaux marchés entre agriculteurs et entreprises avec les PSE.

Financeurs privés ou publics ?

Afin de mieux décrypter ce dispositif, Pierre Dupraz s’arrête sur sa définition. « Un collègue chercheur allemand, Sven Wunder, a décrit en 2005 les PSE comme une transaction volontaire entre des fournisseurs de services environnementaux et un ou plusieurs acheteurs de ces services, impliquant alors uniquement des financements privés puisque l’acheteur, comme le fournisseur, est volontaire. » Dix ans plus tard, Sven Wunder intègre la possibilité de financements publics qui ne sont donc plus volontaires du point de vue des contribuables. Cet élargissement est justifié par de nombreuses interventions publiques dans ce type de dispositif qui visent à soutenir des biens publics (climat, qualité de l’eau, biodiversité). C’est pourquoi on assimile les MAEC à des PSE, « mais le bilan environnemental des MAEC reste insuffisant en raison de budgets et de paiements peu incitatifs et d’un mode d’action qui ne responsabilise pas assez les agriculteurs ». Cet arrêt sur la définition des PSE a son sens : ainsi, afin de préserver un esprit de volontariat chez les agriculteurs et financeurs, des initiatives se réfèrent à la définition de 2005. C’est le cas du projet LabPSE, porté par l’association Trame et auquel contribue Pierre Dupraz. Des dispositifs locaux de PSE sont expérimentés avec l’idée de conclure des contrats assortis d’un système de paiement supérieur au coût et au manque à gagner associés au cahier des charges. Contrairement aux MAEC dont le calcul du paiement est basé sur le manque à gagner ou le surcoût lié au cahier des charges.

Mieux rémunérer le service rendu

Rémunérer mieux le service rendu est aussi l’objectif de l’association Solenat, fondée en 2020, qui a participé au webinaire de l’Esa tout comme LabPSE. Elle propose aux acteurs privés et publics (six contrats déjà signés) des projets de services environnementaux (stockage carbone, biodiversité, couverts végétaux…) mis en œuvre par des agriculteurs volontaires. C’est le même leitmotiv pour Alli’Homme, association bretonne créée en 2018 qui met en relation agriculteurs et entreprises ou collectivités autour d’une offre contribuant à lutter contre le réchauffement climatique, à préserver l’eau et la biodiversité. « L’ambition de ces initiatives est de faire des agriculteurs des vendeurs de services environnementaux professionnels, qui acceptent une partie des risques associés à leur fourniture et en réalisent des bénéfices quand ils arrivent à les maîtriser. »

Les PSE d’Emmanuel Macron

Parallèlement à ces initiatives, un dispositif d’intervention publique, nommé PSE et doté de 150 M€, a vu le jour en 2018 dans le plan biodiversité à la suite d’une annonce du président Macron en 2017. Il est déployé via les agences de l’eau, l’agence Adour-Garonne étant la première à proposer cette nouvelle aide à l’agriculture. Ce dispositif avait été présenté comme préfigurant les écorégimes de la future Pac. Sa parenté avec l’écorégime du PSN concerne son système de points, notation environnementale des systèmes et pratiques agricoles, dont dépend l’accès et la rémunération des agriculteurs participants.

Mais pour élaborer un vrai système PSE incitatif, souhait des initiatives précédentes, Pierre Dupraz recommande de bien définir les services environnementaux qui vont être échangés. « Le financeur a besoin de preuves pour être convaincu de la réalité du service rendu. Dans LabPSE, les groupes d’agriculteurs essaient de construire leur offre. C’est tout un travail que de définir ce que l’on veut échanger et à quel prix, en tenant compte des pratiques agricoles nécessaires, donc des coûts, pour aboutir à un échange profitable. »

Hélène Laurandel

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